À l'atelier d'insertion par l'activité économique Fil en Forme à Lyon.
Confinement oblige, je me retrouve donc à travailler le week-end. J'ai toujours eu du mal à occuper mon temps libre à faire autre chose que Kahobas... Alors aujourd'hui, je me suis dit: "et si je prenais enfin le temps de leur écrire pour quoi j'ai choisi de travailler avec un atelier d'insertion?". Alors, enfin, j'écris sur ce grand changement survenu chez Kahobas en octobre dernier pour préparer Noël. J'ai en effet délégué les opérations de couture de la moitié de la production des accessoires destinés à être vendus pour Noël. Un grand chamboulement dans mon quotidien et dans la gestion de cette période intense et importante pour Kahobas car elle représente un quart de mon chiffre d'affaire de l'année.
Pourquoi sous-traiter la couture ?
Positionnée depuis plus de 3 ans dans la confection de A à Z d'accessoires de mode (ou presque car je ne tisse pas mon tissu :)), j'ai fait le constat que le concept initial de Kahobas ne me satisfaisait plus : proposer des objets artisanaux simples et utiles en tissus respectant mon éthique via le dessin de motifs et l'impression en sérigraphie. Refusant de ne vendre que mon tissu, je suis vite devenue (à mes yeux) une créatrice d'accessoires avec le petits plus des chouettes tissus. La jolie formule d'"objets simples et utiles" se transformant en "accessoires" qui par définition ne sont pas forcément utiles. J'ai passé 2 années à coudre, coudre, coudre, coudre et imprimer, soit 80% de mon temps devant ma machine à coudre contre 10% à imprimer et le reste en adminitsratif/comm/toussa toussa. Et puis la demande en tissu s'est accrue, de la simple question, au mail de commande, on voulait plutôt mon tissu pour coudre, tapisser et faire ses petits projets sur-mesure. "Parce que votre trousse est très belle mais je n'en ai pas besoin, j'ai d'autres projets et votre tissu et très joli et on sait d'où il vient!". Et puis la demande en accessoires confectionnés sur-mesure s'est accrue mais c'aurait été trop chronophage d'accepter chaque projet sans confectionner en petite série. Je disais trop souvent "non désolée je ne fais pas, ça prendrait trop de temps et vous coûterait trop cher, je n'ai pas d'écran assez grand pour vous sérigraphier un coupon désolée...". Trop de "désolée"!
J'ai donc fait volte-face (ça m'a pris des mois) et changé mon fusil d'épaules. Le nouveau concept de Kahobas devait devenir : du lin de Normandie complété par une gamme de coton bio, au motif dessiné et imprimé par l'artisan. Parenthèse sur les matières que je choisis : je suis en train de rédiger un autre article dédié à ce sujet "All we need is lin" qui traitera du lin, du coton, des difficiles choix de matières et de labels... En gros, c'est comme si je montais une nouvelle entreprise. Tout change : les créations vendues, la cible, les concurrents, le positionnement prix, la distribution... Seule la technique reste inchangée la sérigraphie. Je me mets donc à proposer des coupons mais la demande s'oriente surtout sur du tissu au mètre et à encore je m'excuse trop souvent "désolée je n'ai pas le matériel adapté". Mini volte-face début 2019, je dois imprimer mon tissu au mètre, au minimum sur 130 cm de laize. Ce n'est pas à mes clients de s'adapter à mes moyens de production, c'est à moi d'adapter mon matos pour leur dire "oui, c'est possible madame!". Je décide alors de me former (cf. article de blog Une semaine chez Unique en Série), de réaménager l'atelier avec l'aide inestimable de Colin, d'investir dans des écrans de sérigraphie géants (150cm x 100cm) et de mobiliser Colin à l'avenir pour devenir mon binôme en tant qu'imprimeur car j'aurais pas les bras assez longs pour imprimer toute seule! Oui mais pendant tout ce temps là, il faut gagner sa croûte et donc vendre en ligne faire des marchés et envoyer du stock aux boutiques... La transformation prend donc des plombes car je continue de tout couper, imprimer et coudre.
S'impose donc à moi la question de savoir si je continue de vendre les accessoires. Oh, je vends bien, mais je suis en surmenage et trop souvent de mauvaise humeur. Jamais je ne tiendrai le rythme, encore moins à Noël... Moi qui tenais tant à tout faire moi-même, parce que c'est ça l'artisanat, faire soi-même et pas seulement créer, ça devient un mirage de continuer à tout faire en pratiquant ces prix que je ne souhaite pas augmenter. Il faut faire quelque chose. Parce que je suis connue pour mes accessoires, que je dois continuer de vendre pour manger, je décide de continuer à les commercialiser en abattant la carte "sous-traitance" pour diminuer le temps de couture, activité qui m'accapare trop et me gâche tout plaisir de faire. Je me console en me disant que je serai honnête sur ma démarche et que ces accessoires gardent une belle âme : artisane et solidaire. Je continue en effet d'imprimer artisanalement avec mes 10 petits doigts! En parallèle Kahobas devient, en sous-traitant, le maillon d'une chaîne solidaire, celle de la création d'emplois de personnes éloignées à tort de l'emploi classique, par le jeu du client/fournisseur.
Avec qui travailler ?
Il n'est pas question d'employer quelqu'un : je sors difficilement un SMIC par mois...C'est alors que j'active le contact de notre ami Étienne dont les conseils résonnaient en moi depuis plusieurs mois : "tu devrais rencontrer l'association lyonnaise IDEO qui regroupe plusieurs atelier/chantiers d'insertion dont un atelier textile, Fil en Forme". L'idée de l'insertion me séduit, cet accompagnement que propose cet atelier à des personnes éloignées de l'emploi. La conviction qu'il faut aider ces personnes à lever leur freins à l'emploi grâce à l'emploi afin de leur donner accès au marché du travail classique qui voit les choses à l'inverse. Le moindre obstacle rencontré rendant la personne, pourtant compétente, inemployable à leurs yeux. Un cercle vicieux qui consiste à laisser en marge une partie de la population pour laquelle la solution serait l'emploi... Et puis cet atelier correspond à mon échelle de production, jamais un atelier de confection accepterait de coudre 350 pièces divisées en 5 références... Côté coût, c'est très correct. Ça ne me revient pas moins cher de sous-traiter que de faire par moi-même mais ça me libère du temps pour fabriquer d'autres créations. en clair, ça augmente ma capacité de production.
Premier hic, la sérigraphie des tissus m'impose de tout couper avant et d'imprimer chaque pièce car c'est bien plus long d'imprimer mon tissu au mètre, trop de calage et de ratés. On résout alors la question avec la venue de Colin une demie-journée par semaine pour faire toute la coupe en investissant dans un ciseau électrique circulaire. Deuxième hic, je ne veux/peux faire faire les sacs à main Pacot et Nouakchott considérés comme compliqués car il y a des opérations avec du cuir notamment (tout comme les housses d'ordi Port-au-Prince que je continue de coudre moi-même). Très longs et périlleux à coudre, soit j'augmente considérablement le prix mais m'y refuse soit je les arrête. Mais vu leur succès, je décide d'en profiter pour organiser des ateliers impressions+couture des sacs dans mon atelier. Je reçois un très bon accueil et ne regrette absolument pas ce choix car vous avez été nombreuses à venir découvrir mes petits secrets pour fabriquer ces sacs et je suis toujours ravie de partager ces moments avec vous. Les réservations sont toujours possibles sur mon site internet! Troisième hic, Fil en Forme est à Lyon. Il va donc falloir s'organiser pour tout livrer en même temps, donner ses instructions clairement et tout récupérer en une fois. C'est moins flexible qu'un sous-traitant local mais ça se fait!
C'est ainsi qu'en octobre dernier j'ai fait coudre 350 pièces à l'atelier Fil en Forme qui m'a livré ma commande début décembre! Soit la moitié des ventes. Du beau travail, dans les délais. Je suis très satisfaite de toute l'équipe que je remercie encore! Du coup, un Noël abordé sereinement, un taux de journées de bonne humeur très nettement accru, du stress en moins concernant les stocks pour les boutiques et les marchés et un plaisir retrouvé à l'atelier. Bon j'ai quand même eu à coudre 350 pièces mais c'était moins sport que 700!
À l'avenir...
Je réitère l'expérience cette année mais avec de nouveaux modèles, motifs et couleurs. Ce qui me prends un peu de temps à mettre en place car l'offre de tissu au mètre doit être finalisée avant l'été. Et oui, j'ai décidé de jouer sur les 2 tableaux : les accessoires et le tissu au mètre donc pas question de se reposer! L'idée est de faire coudre à Fil en Forme du stock pour vendre en ligne, approvisionner les boutiques à la fin du printemps et faire deux ou trois marchés cette année. Je passerai alors quelques mois un peu en retrait de mon atelier bien aimé, ma seconde maison, pour accueillir en toute tranquillité le bébé que nous attendons et qui s'agite dans mon ventre! Rassurez-vous les commandes de tissu au mètre seront possibles ainsi que les imprimés sur-mesure pour les accessoires. Mes délais seront seulement un peu plus longs (entre une semaine et dix jours) et demandera un peu plus d'anticipation et de compréhension de la part des clients!
En ce temps de confinement, je vous souhaite le meilleur que le temps puisse vous offrir en espérant qu'il ne vous coûte pas trop. Pour ma part, malgré le calme logique dans les commandes, je pourrai tenir le choc un petit mois, plus serait critique.
Merci de m'avoir lu et à bientôt!
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